Jérusalem, trois fois sainte by Ouaknin Marc-Alain

Jérusalem, trois fois sainte by Ouaknin Marc-Alain

Auteur:Ouaknin, Marc-Alain [Ouaknin, Marc-Alain]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782220067445
Éditeur: Artège
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Jérusalem-en-Provence

Faut-il, pour un chrétien, aller à Jérusalem ? J’ai conscience que cette question peut paraître incongrue, voire même choquante si on la pose avec légèreté face aux flots de sang qu’ont fait couler les croisades. S’il est impossible de justifier les débordements de violence et les pogroms perpétrés par les croisés, il est aussi assez compliqué d’argumenter théologiquement en faveur de la délivrance du tombeau du Christ, et même, à mon avis, sur la « convenance théologique » d’un pèlerinage à Jérusalem (en dehors d’une convenance anthropologique, ce qui est déjà beaucoup aux yeux de la religion de l’Incarnation).

Le christianisme n’est-il pas né d’un éloignement de Jérusalem ? Le Christ ressuscité donne rendez-vous à ses disciples en Galilée. Rien n’était plus éloigné de la pureté religieuse de Jérusalem que cette province aux populations et religions mélangées (Galilée, « district des goyim », comme la nomme Isaïe), à laquelle Jésus avait pourtant réservé l’essentiel de sa prédication. C’est dans cette région méprisée par les religieux de Jérusalem qu’il confie à ses apôtres la mission d’« aller dans le monde entier proclamer l’Évangile à toute la création » (Marc 16,15 ; cf. Matthieu 28,19 et Actes 1,8). Seul l’évangéliste Luc décrit, dans un premier temps, les disciples restant à Jérusalem, mais c’est pour mieux mettre en scène l’activité missionnaire des apôtres « jusqu’aux extrémités de la terre » dans la deuxième partie de son texte (les Actes des apôtres).

Contrastant avec les pratiques juives ou païennes, les chrétiens des trois premiers siècles n’ont manifesté que très peu d’intérêt pour des « lieux saints ». Le Christ l’avait déclaré : « Ce n’est ni sur cette montagne [le mont Garizim] ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. […] L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jean 4,21.23). De fait, tous les premiers auteurs chrétiens insistent sur ce culte spirituel, qui n’est lié à aucun lieu, si ce n’est celui de leurs assemblées-ekklesia.

Origène (185-253), qui connaissait pourtant très bien la Palestine, écrivait : « Le lieu saint, je ne le cherche pas sur terre, mais dans le cœur […]. Le lieu saint, c’est l’âme pure62. » Cent cinquante ans plus tard, alors que les pèlerins commencent à affluer, Grégoire de Nysse (vers 335-394) tient encore le même langage. Il relativise le concept de lieu saint en le subordonnant au lieu du cœur : « Bethléem, le Golgotha, le mont des Oliviers, l’Anastasis sont réellement dans le cœur de ceux qui possèdent Dieu » (Lettres III,1). À ceux qui considèrent comme un devoir de piété de péleriner à Jérusalem, il recommande de vérifier en premier lieu si cela fait partie des prescriptions et commandements du Christ :

Lorsque le Seigneur appelle les élus à l’héritage du Royaume des cieux, il ne compte pas le voyage de Jérusalem parmi les bonnes actions ; lorsqu’il énonce les béatitudes, il n’y inclut pas une telle préoccupation. Ce qui ne rend ni bienheureux, ni apte à recevoir le Royaume, pourquoi s’en préoccuper ? (Lettres II,3).



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.